Fouad Boussouf
De la danse, Fouad Boussouf dit qu’elle est élan, mouvement. Une définition qui caractérise aussi son propre parcours, fait d’une curiosité toujours en alerte et d’un constant désir d’évasion. Ses premières années marocaines, dans un village isolé de la région de Moulay Idriss, marquent son imaginaire de fêtes familiales et d’un environnement naturel à la simplicité monacale. À l’âge de sept ans, lorsque sa famille s’installe en France à Romilly-sur-Seine près de Troyes, il découvre un nouvel univers dont l’école lui enseigne la culture et les codes. Dès l’adolescence, il s’initie au hip hop, apprenant au son des cassettes de Prince et de Michael Jackson. Ce qui, à l’origine, n’est qu’un moyen socialement valorisé de se dépenser physiquement, devient bientôt pour lui le chemin d’une véritable construction personnelle, où le dépassement par le corps apporte de surcroît la reconnaissance de ses pairs.
Achevant sa scolarité à Chalons-en-Champagne, il en profite pour suivre les ateliers menés par les élèves circassiens du CNAC (Centre national des arts du cirque). Il arrive à Paris en 2000 et entame un cursus en sciences sociales à l’université de Paris XII Créteil tout en donnant des cours de street dance, d’abord de façon informelle puis en tant que chargé de TD. En parallèle, il continue à se former à l’Académie de la Cité Véron, participe aux auditions du festival Suresnes Cités Danse et est interprète pour Farid Berki et Pierre Doussaint. Après avoir soutenu un DESS sur la danse hip hop, il part pour un road trip de sept mois en Australie, début d’un cycle mariant voyages et activité de pédagogue qui le conduira également en Égypte et en Russie. Au retour, décidé à se consacrer pleinement à la danse, il fonde à 27 ans la Cie Massala. Il crée en 2008-2009 des solos et trio, et en 2010 sa première pièce de groupe, Déviations.
Dès lors, le parcours de Fouad Boussouf s’écrit dans l’urgence d’un élan créatif sans cesse renouvelé. Hybride, sans souci d’étiquette, inscrite dans le présent, sa danse met le vocabulaire hip hop au service de ses différents projets. Au fil des années, il affirme une écriture basée sur la spontanéité du geste et sur un mouvement continu, qui ne jamais ne commence et jamais ne s’arrête. Mus par cette dynamique qui les déplace hors de leurs gestuelles habituelles, les interprètes génèrent au plateau une irrésistible énergie cyclique. En témoignent les succès de Näss (Les Gens) en 2018, puis de Oüm (2020), en hommage à Oum Kalthoum, qui imposent le chorégraphe sur la scène internationale.
Si son outil de travail privilégié reste le corps, il se nourrit aussi d’autres expressions artistiques, notamment la vidéo et les arts plastiques – qu’ils soient contemporains ou liés à l’histoire du monde méditerranéen. En témoignent ses films documentaires, Le Ballet Urbain (2019), ou ses collaborations avec le sculpteur Ugo Rondinone, pour l’installation vidéo Burn to shine (2022) au Petit Palais à Paris et pour la pièce Vïa (2023) avec le Ballet du Grand Théâtre de Genève, sur une commande de Sidi Larbi Cherkaoui. Chez ce « citoyen du monde », la création impose un rythme guidé par l’émotion, le goût du risque et l’envie permanente d’aller de l’avant.
Fouad Boussouf a été en 2020-22 artiste associé à la Maison de la danse de Lyon, à Équinoxe - Scène nationale de Châteauroux et à la Maison de la musique de Nanterre. Choisi à l’unanimité pour diriger depuis le 1er janvier 2022 le Phare - Centre chorégraphique national du Havre Normandie, il a reçu en 2022 les insignes de Chevalier des Arts et des Lettres.
– Isabelle Calabre