À l’école des expert·es en mouvements
Une aventure artistique et collective. Un projet mené avec force et conviction par ses acteur·ices. L’émotion et la fierté ressenties à son aboutissement. Pendant une année scolaire, les huit classes de l’école maternelle Jehan de Grouchy de Caucriauville au Havre ont plongé dans une expérience unique de danse et de mouvement guidées par deux danseuses partenaires du Phare.
Tout démarre il y a deux ans, lorsqu’une enseignante de l’école maternelle, déterminée dans son envie de mettre en place un projet de danse dans les classes, convainc ses collègues et contacte Le Phare. Le premier rendez-vous avec le CCN donne le ton : l’équipe pédagogique manifeste des envies précises et notamment celle de porter le projet.
Située à Caucriauville, un quartier prioritaire (QPV) en ville haute du Havre, l’école Jehan de Grouchy fait partie du réseau d’éducation prioritaire plus (REP+) Jules Vallès. Les circonstances sont particulières en cette rentrée 2023/2024 : l’école maternelle va être en travaux pendant toute l’année scolaire et les huit classes vont déménager dans des préfabriqués. Face à cette perte de confort et l’année compliquée qui s’annoncent, les enseignantes et accompagnantes (ATSEM et AESH) ont à la fois l’envie d’apporter de la joie aux enfants et continuer à souder l’équipe. Le tout à travers une aventure chorégraphique collective. Aussi, cet objectif affiché fait-il fortement écho à celui de Fouad Boussouf avec le CCN, à savoir enchanter le quotidien.
L’idée, pour l’équipe pédagogique, est de se saisir de l’expertise et de la patte artistique apportées par Bérangère Roussel et Malgven Gerbes, les danseuses chorégraphes mobilisées par le Phare sur ce projet. Ce, afin de devenir rapidement autonomes et prendre le relais en classe en dehors des ateliers menés par les deux intervenantes. À la rentrée 2023/2024, une formation d’une journée est organisée pour les enseignantes à l’école. Puis les ateliers pour les classes commencent.
Ateliers de mouvements
Ce sont au total soixante heures d’ateliers que Malgven Gerbes donne auprès des élèves de grande section. Avec les quatre classes concernées, la directrice artistique de la Compagnie shifts - art in movement encadre des séances sous forme de laboratoire en vue de préparer une création intitulée Nuages. Son intervention est ainsi soutenue par la DRAC Normandie au titre du dispositif Jumelages-Résidences d’artistes. De son côté, Bérangère Roussel du CoCOn by La Fine Compagnie anime trente-six heures d’ateliers auprès des petites et moyennes sections. Plus ateliers de mouvements qu’ateliers chorégraphiques, les séances permettent aux enfants de prendre conscience de leur corps dans l’espace, de celui de l’autre et des autres, d’être à l’écoute ou encore de se concentrer. Avec, en toile de fond, l’enjeu du vivre ensemble. On joue, danse, pratique des petites routines, avec parfois l’intervention d’outils comme des élastiques et des instruments de musique… Par ailleurs, les classes découvrent les spectacles de leurs intervenantes respectives : L’éclosion pour les plus petit·es au Petit Théâtre, et Le large pour les plus grand·es au Phare.
Vivre ensemble autrement
Pour garder en mémoire cette expérience riche et inédite, ponctuée par des points réguliers entre les parties prenantes du projet, deux films sont réalisés. L’un, mené par le vidéaste havrais Moos Coulibaly de la société Les Griots, vise à documenter le projet sur toute l’année scolaire. L’autre, plus artistique, réalisé par Le Phare, s’attache à valoriser le travail fait par les intervenantes avec les classes. Son titre s’appelle Experts en mouvements, faisant ainsi référence à la marque des cartons de déménagement de l’école, objet-fil rouge de cette vidéo. La restitution de ces deux formats courts a lieu le 25 juin 2024, à la salle de quartier de Caucriauville. Les familles sont venues nombreuses assister à la projection clôturant cette aventure. Les regards sont tantôt amusés, tantôt émerveillés ou émus.
Les témoignages des équipes du projet mettent en évidence un bilan très positif. « Cette immersion dans le monde de la danse fut une expérience riche pour tous, élèves et enseignantes. », explique Sophie Doutreligne, directrice de l’école maternelle et professeure de la classe de petite section. « Cette aventure a enchanté notre année scolaire et nous a donné envie de continuer pour vivre ensemble autrement. »
« Prendre soin des qualités de chacun.e, aborder naturellement l’égalité des genres, se déployer au sein de l’école et en voyage jusqu’à la plage sont des points marquants. » Malgven Gerbes
Même enthousiasme du côté des danseuses intervenantes. Malgven Gerbes : « Prendre soin des qualités de chacun.e, aborder naturellement l’égalité des genres, se déployer au sein de l’école et en voyage jusqu’à la plage sont des points marquants. Je pense que ce projet va laisser de beaux souvenirs aux enfants et pistes de poursuites en autonomie au sein de l’établissement. » Bérangère Roussel : « Je danse dans, pour et avec des écoles depuis plus de dix ans. La magie de Grouchy tient à la curiosité et à l'engagement de l'équipe pédagogique. La rencontre a aussi été merveilleuse parce tous ces petits êtres en devenir étaient déjà des danseur·euses. Tous et toutes ensemble, nous avons sublimé l'espace de l'école et sommes devenu·e·s des expert·e·s en mouvement ! »
Objectif : un cycle scolaire complet
L’ambition des équipes du Phare et de l’école Jehan de Grouchy est de poursuivre leur partenariat sur deux années supplémentaires, de sorte à effectuer un cycle scolaire complet. Une autre finalité est d’alléger progressivement l’intervention du Phare en vue de rendre l’équipe pédagogique de plus en plus autonome. L’ensemble des voix s’accorde également sur le fait de maintenir une présence artistique au sein de l’établissement. Les enseignantes ayant relevé une vraie différence chez leurs élèves : certain·es réussissant à canaliser un trop plein d’énergie, d’autres, plus réservé·es, parvenant à s’exprimer, à travers la danse. L’expérience, fédératrice au sein des classes, a développé l’intelligence collective, et du côté des professeures, a influé sur leur approche pédagogique.
Le Phare continue à semer ses graines et en récolte de premiers fruits très prometteurs.